Interview avec Cristina Bermejo Toro, secrétaire confédérale de la section dédiée aux jeunes pour les Commissions ouvrières (Comisiones Obreras, CCOO) à Madrid

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Photo Flickr
Interview par : Monica Tinelli

Interview avec Cristina Bermejo Toro, secrétaire confédérale de la section jeunes pour les Commissions ouvrières (Comisiones Obreras, CCOO) à Madrid, le syndicat espagnol rassemblant le plus de membres et de délégués élus lors des élections syndicales.

Dans ce syndicat, la section consacrée aux jeunes mène des actions et des campagnes encourageant de meilleures conditions sociales et un travail convenable pour les jeunes, faisant également progresser des domaines tels que la santé, l’éducation, l’environnement, la dépendance aux drogues, les jeunes migrants, handicapés ou exclus.

Le CCOO soutient activement les droits des jeunes et participe au Spanish Youth Council ainsi qu’aux conseils régionaux et locaux. Récemment, le CCOO a publié des enquêtes menées sur les conditions relatives aux stages, en Espagne, mettant l’accent sur des points critiques et demandant des changements dans la lutte contre l’exploitation des jeunes travailleurs.

Selon vous, à quoi devrait servir un stage ?
Un stage devrait avant tout mettre les étudiants en relation avec le marché du travail, mais toujours dans le but de former, alternant avec les études théoriques à l’université ou dans les établissements d’enseignement professionnel (= formation professionnelle).

Dans beaucoup de pays européens, la réglementation juridique pour les stages est souvent inexistante ou extrêmement limitée. Qu’en pensez-vous ? D’après votre expérience, cela risque-t-il de conduire à une mauvaise utilisation des stages ?
En Espagne, la réglementation est quasiment inexistante. Il n’existe que quelques accords de coopération entre les sociétés et les universités, qui ne sont par ailleurs que très peu réglementés. Aucune loi générale n’a été créée et cela a engendré un mauvais usage des stages, car dans beaucoup de cas cela se transforme en formule pour passer des contrats.

À votre avis, y a-t-il besoin de davantage de sécurité légale et de droits du travail pour les stagiaires ? Que proposez-vous pour améliorer la situation de ces stagiaires ?
Les conditions des stages de développement doivent absolument être régulées. Nos propositions sont les suivantes :
a) Les écoles et les entreprises doivent passer un accord de collaboration (en Espagne, beaucoup de sociétés proposent des stages de manière unilatérale, sans centres de formation).
b) Les exercices doivent être effectués par des étudiants en cours d’apprentissage, et non pas par des personnes déjà diplômées (pour eux on peut établir des contrats).
c) La partenariat doit remplir certaines conditions, comme le programme de stage, les heures de travail, un nombre maximal de stages, l’aide financière (pas des salaires), l’assurance, etc. Un stage ne doit pas se transformer en relation d’emploi.
d) Les stagiaires doivent être supervisés par un tuteur dans la société et par un autre tuteur dans l’école, qui doivent s’assurer que les conditions de l’accord sont respectées.
e) Dans le cadre de l’éducation, les stagiaires doivent connaître les règles de sécurité et de la médecine du travail de la société (santé et sécurité).
f) Les représentants des employés, ou le syndicat de la société, doivent faire état du nombre de stagiaires et des fonctions qu’ils remplissent, afin de s’assurer qu’ils n’occupent pas les fonctions d’autres employés.

En juillet 2010, le Parlement européen a voté une résolution demandant à la Commission de mener une enquête sur les stages en Europe et d’en tirer certaines propositions, afin d’améliorer la législation. Selon vous, les institutions européennes ont-elles un rôle à jouer dans l’amélioration de la législation relative aux stages en Europe ? 
Les institutions doivent au moins établir des règles de bases pour les stages, car ce phénomène touche toute l’Europe et dans de nombreux cas, mène à des situations de fraude et prend la forme de sous-contrat.

Que pensez-vous de l’éventualité d’un label de qualité européen pour les stages, garantissant que les stages proposés sont réellement formateurs et n’exploitent pas les stagiaires ? Ce label doit-il, ou peut-il, être contraignant vis-à-vis des sociétés ne remplissant pas les normes minimales, incapables de promouvoir des stages pendant une certaine période ?
La législation européenne doit assurer la qualité des stages, les considérant comme un processus formateur et non comme une forme d’exploitation des jeunes travailleurs. C’est pourquoi elle doit aussi envisager de pénaliser les sociétés ne remplissant pas les normes de qualité.

Que pensez-vous des propositions visant à mettre au point une rétribution minimale basée sur le coût de la vie local ? Qui doit en supporter le coût ?
Établir une paye minimale revient à fixer un salaire. Pour cela, par exemple en Espagne, il existe des contrats pour les jeunes compris dans la loi du travail qui stipulent une réduction de salaire, mais avec toutes les garanties de protection sociale. Les stages ne doivent pas annuler ces formes de contrat avec une paye plus faible et aucune protection sociale. Pour cette raison, les stagiaires doivent bénéficier d’une assistance financière pour les études, les trajets, les repas ou le logement, mais pas en tant que salaire.