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La corruption et les forces de police

Introduction par Rosen Dimov
Traduction par Adeline Monnin

Un rapide coup d’oeil à l’origine du terme « corruption » donne un indice sur sa signification réelle. La racine latine désigne une « détérioration morale, putréfaction », termes plutôt appropriés à la description de ce phénomène largement répandu. Même si pour beaucoup de personnes le terme « corruption », au sens assez vaste, inclut un large éventail de méfaits, on pense également très souvent à l’expression « pot-de-vin ». Michael Johnston, professeur à Colgate University, affirme que « dans des sociétés en perpétuel changement, dont la plupart font aujourd’hui partie du monde hyper mondialisé et numérisé, la limite entre ce qui est corrompu et ce qui ne l’est pas est parfois floue ». Afin de dresser un tableau structuré de ce phénomène complexe, il identifie des modèles généraux d’intégrité (ou de non intégrité) et s’en sert pour construire des hypothèses et des classifications portant sur des syndromes de corruption, en fonction du contexte (politique, économique, social et institutionnel). On distingue également fréquemment le niveau de corruption : la grande corruption (comprenant les hauts fonctionnaire et les chefs de gouvernement), par opposition à la petite corruption (officiers de police, personnel scolaire, administrations fiscales, etc.), aussi appelée « basse » corruption ou corruption « de rue ».
 
Certains, comme le chercheur Robert Klitgaard, définissent la corruption avec une précision mathématique. Klitgaard a élaboré l’équation suivante : Corruption = Monopole + Discrétion – Responsabilité. Ou encore, la formule du programme des Nations Unies pour le développement, qui équivaut à Corruption = Monopole + Discrétion – (Responsabilité + Intégrité+ Transparence). Cependant, Transparency International en donne une explication plus courante et plus pragmatique : la corruption est « l’abus de pouvoir reçu en délégation a des fins privées ».
 
La plupart des pays (140) adhèrent à la définition et aux actions contre la corruption émises par la Convention des Nations Unies contre la corruption, bien qu’il existe des spécificités régionales, comme le mentionne le Conseil de l’Europe dans la Convention civile sur la corruption et dans la Convention pénale sur la corruption. Les signataires de ces accords multilatéraux conservent une marge de manœuvre, et lorsque ces accords sont adoptés, leur internalisation dans le domaine légal de chaque signataire renforce les inégalités. Il est probable que ce soit au niveau de l’Union européenne qu’existent les dernières divergences pour les normes relatives à la corruption. En effet, les instruments dont disposent l’UE sont encore faibles, ceci à cause d’une coopération limitée entre les États membres dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. La définition et les actions concernant l’intégrité sont comprises dans des champs plus vastes de la lutte contre le crime organisé, qui relève de la responsabilité de plusieurs organismes : l’Office européen de la lutte antifraude (OLAF), Europol, Eurojust et les États membres de l’UE. La stratégie pour la prévention et le contrôle de la criminalité organisée pour le prochain millénaire permet de concrétiser les deux conventions visant à protéger les intérêts financiers de la Communauté européenne. Elle permet aussi de concrétiser la lutte contre la corruption incluant des fonctionnaires de la Communauté européenne ou des États membres de l’UE.


 
Comment mesurer le niveau de corruption ? 
 
Notre manière de mesurer la corruption est ambiguë, ce qui constitue un obstacle majeur à son éradication. Si les différentes parties cherchant à contrer ce phénomène néfaste, qu’il s’agisse des gouvernements, des entreprises, des associations civiques ou même des individus, ne parviennent pas à se mettre d’accord sur les mêmes méthodes d’estimation, les inégalités prendront le dessus sur les efforts communs et empêcheront tout succès.

Transparency International (TI) et la Banque mondiale (BM) se servent d’outils couramment utilisés. TI a créé un Baromètre mondial de la corruption, régulièrement mis à jour, et la BM se sert d’indices mesurant la corruption d’entreprises et l’éthique, ainsi que d’indicateurs de gouvernance mondiale. Néanmoins, ces indices de perception restent contestables.
 
Pour Erlend Berg, un bon indicateur de corruption doit présenter les caractéristiques suivantes : fiabilité, validité, exactitude et précision. Selon lui, les indicateurs mentionnés ci-dessus ne remplissent pas correctement ces critères : il s’agit d’une « mesure imparfaite de la transformation linéaire d’une quantité de pots-de-vin sous-jacents et passés inaperçus ». Ainsi, la subjectivité de ces indicateurs est souvent négligée et bien qu’ils aboutissent à des hypothèses basées sur des recoupements, leur utilisation est largement répandue.
 
Dilyan Donchev et Gergely Ujhelyi remettent encore plus en question les résultats de TI et de la BM. D’après leurs études, les comparaisons effectuées entre plusieurs pays sont contradictoires : la perception a tendance à être biaisée à la hausse dans les plus grands pays. De plus, plusieurs aspects de la corruption ne peuvent pas être facilement mesurés sur une échelle. Ils se servent également de formules et d’estimations pour prouver que la fiabilité d’ensembles de données recueillies à partir d’une perception est altérée par des facteurs économiques, institutionnels et culturels, ainsi que par les différents types de corruption (et d’autres facteurs).
 
L’école de pensée du monde musulman adopte un point de vue similaire : Zaman Asas et Rahim Faizur, d’éminentes personnalités de l’Université islamique internationale d’Islamabad, mettent en doute la crédibilité des indices de perception servant à mesurer la corruption. Ils affirment qu’au premier coup d’œil, on s’aperçoit que la corruption est quasiment impossible à estimer. Les indicateurs dont l’on dispose ne sont ni correctement mesurables, ni suffisamment exacts. L’index TI est considéré comme « induisant fortement en erreur » parce qu’il dévie considérablement de la réalité. De plus, il est indispensable de déterminer qui bénéficie de la corruption, quelle est la gratification reçue et pourquoi (qui profite des résultats, ou les sollicite). Les auteurs se servent de résultats issus d’études transversales et fournis par d’autres organisations pour illustrer ces fluctuations.
 
Les experts des Nations Unies et de Global Integrity soutiennent les critiques émises à l’encontre des indices de perception. Ils reconnaissent qu’il faut prendre en compte beaucoup de sources de données différentes si l’on veut obtenir des mesures plus plausibles. Parmi tous les outils dont nous disposons pour mesurer la corruption, certains ont peut-être des appellations similaires mais ils concernent différentes cibles. Même si l’étude à l’origine de la création des indices de perception distinguait les pays développés et les pays en voie de développement, les concepts traités restent majoritairement orientés sur l’Occident. Le désaccord ne se situe pas uniquement au niveau des définitions, il concerne également les indices : sont-ils axés sur ce qui contribue à la corruption, ou sur ce qui en résulte ?

Application des mesures anticorruption 
 
Ceux qui utilisent les définitions et les mesures relatives à la corruption, en particulier les autorités chargées du maintien de l’ordre, sont confrontés à un autre élément empêchant la prévention et la réduction de la corruption. Les mauvaises interprétations, intentionnelles, qu’on peut considérer comme une infraction des lois, ouvrent la porte à un usage complètement abusif des obligations publiques déléguées aux diverses forces de contrôle. Les manifestations les plus tangibles de la corruption sont liées, entre autres, aux officiers de police. La corruption, qu’elle prenne la forme d’une promesse, d’une offre ou encore d’un cadeau, inclut à la fois l’instigateur (corruption active) et celui qui bénéficie de l’offre (corruption passive). La trafic d’influence en est encore une autre forme : dans ce cas, en échange de transgressions de la loi, le fonctionnaire peut gratifier le corrupteur d’avantages excessifs. L’abus de position inclut l’usage, ou l’absence d’usage, à des fins illégales d’obligations publiques pour le profit d’un tiers.  L’enrichissement illicite est la manifestation la plus discutable de corruption liée à la police : ici, les revenus ne peuvent pas être justifiés  mais toute poursuite criminelle est contraire à la présomption d’innocence et inverse la charge de la preuve.
 
Pour atténuer la corruption des fonctionnaires de police, la tactique la plus courante consiste à réduire la discrétion qui leur est laissée lors de l’exécution de leurs devoirs. Parmi les aspects concrets, on compte :

  • la surveillance interne (grâce à l’infiltration d’un collègue chargé d’espionner l’équipe d’enquête) ;
  • une augmentation de l’utilisation d’équipements numériques (substitué aux efforts physiques des officiers, ou utilisés complémentairement) ;
  • la désinstitutionalisation des services de police (en les réassignant auprès d’entreprises ou d’organisations non gouvernementales) ;
  • pour finir, le contrôle des citoyens afin de déterminer l’existence d’un comportement abusif de la part des fonctionnaires de police.
Le niveau d’attention publique porté aux actes de corruption, ainsi que le rejet de ces actes, est essentiellement une question d’attitude individuelle. Cependant, des mesures au niveau de l’éducation peuvent également encourager à attirer l’attention sur ce problème, tout comme la mise en avant de personnalités qui seraient un exemple à suivre, de modèles de réussite, une médiatisation active, etc.
 

Lectures recommandées

 
Michael Johnston (2008) Syndromes of Corruption: Wealth, Power, and Democracy Cambridge University Press

Robert Klitgaard (1988) Controlling Corruption and International Cooperation against Corruption Disponible ici

Maurice Punch (2009) Police corruption: deviance, accountability and reform in policing Disponible ici 

Tom Prenzler (2008) Police corruption: preventing misconduct and maintaining integrity 

Tim Newburn (1999)  Understanding and preventing police corruption: lessons from the literature Disponible ici

Cyrille Fijhaut (2000) The problem of corruption of police officials Disponible ici

Andros Posadas (1999) Combating corruption under international law Disponible ici 

Indicateurs de la BM et de TI

Un bref résumé de la politique de l’UE contre la corruption. Disponible ici
 
Alessio Pisanò (2011) “Tackling corruption in the EU, the sooner the better” in The New Federalist Disponible ici

Quentin Reed (2002) Corruption and EU enlargement: who is prepared? Disponible ici

Conseil de l’Europe, Group of States against Corruption Disponible ici et ici