La carte de la détention illégale de migrants en Europe

Article de Flore Murard-Yovanovitch
Traduction de Stéphanie Klaczynski

Chaque année, au sein de l’Union Européenne ou dans les pays voisins, des centaines de milliers d’enfants, de femmes et d’hommes sont arrêtés ou placés en détention simplement car ils ne possèdent pas de permis de séjour. Depuis les années 90, tous les États-Membres ont en effet développé les cadres législatifs, administratifs et politiques qui se traduisent par l’installation de camps.

Depuis 2002, Migreurop essaie d’identifier ces lieux de détention secrets et illégaux, pour lesquels aucun recensement officiel n’existe, afin de les faire exister dans la société civile. La “Carte des Camps”, dont la première édition remonte à 2003, est la pierre angulaire du plaidoyer entrepris par le réseau.

Le 30 novembre, la cinquième version de la “Carte des Camps”  en Europe et dans les pays méditerranéens a été présentée au public. Il en ressort 420 camps de détention, mais il n’y a aucune information disponible pour l’Algérie, la Tunisie, la Jordanie et la Syrie ainsi que pour l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Russie et la Biélorussie, pays qui bénéficient de la politique européenne de voisinage ou qui ont signé un accord de rapatriement.
 
Données alarmantes. Depuis sa généralisation, la pratique de la détention et le nombre de camps ont augmenté de façon drastique. En 2012, 420 camps de détention étaient recensés pour une capacité (officielle) totale de 37 000 personnes. En 2009, 600 000 individus « sans-papiers » étaient détenus au sein de l’Union Européenne en attente d’expulsion et 500 000 détenus lors de leur arrivée sur le territoire  d’un État européen attendant d’être rapatriés dans leur pays d’origine. Depuis la dernière édition de la carte, en 2009, la durée maximum de détention a été portée bien au delà du temps nécessaire à la mise en place des expulsions : de 32 à 45 jours en France, de 40 à 60 jours en Espagne, de 2 à 18 mois en Italie et de 3 à 18 mois en Grèce.

Cependant, les données sont incomplètes car le nombre d’individus réellement détenus est souvent supérieur à la capacité officielle de ces centres.De plus, les autorités utilisent d’autres endroits, qui ne figurent pas sur les listes officielles, comme les aéroports, les prisons ordinaires, les bateaux, la marine marchande etc… et un nombre inconnu de migrants survivent dans des installations informelles (“jungles”dans la région de Calais, la zone tranquilosd’Oujda au Maroc ou Patras en Grèce).
Enfin, ces chiffres ne reflètent pas les conditions quotidiennes inhumaines et dégradantes de détention. L’opacité des procédures, les difficultés ou  le manque d’accès à l’assistance juridique et médicale, la violence et la violence auto-infligée aux détenus sont gardés secrets à l’abri de la presse et de la société civile. Les camps de détention pour de simples étrangers sont la plus grande et la plus urgente violation des Droits de l’Homme en Europe au XXIème siècle.

Migreurop en partenariat avec European Alternatives et la campagne Open Access Now défend la fermeture des camps et demande aux gouvernements des États-Membres de l’UE et les pays frontaliers de ne plus utiliser la détention administrative pour l’immigration.