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Témoignage : une manifestation néo-nazie en Lituanie lors de la fête de l’Indépendance

Par Anna Shepherd
Traduit par Audrey Ubertino

Photos par Anna Shepherd; elles peuvent être reproduites avec accréditation à Defending History (où cet article a été publié) et à Mme Shepherd.

Le 11 mars, une manifestation néo-nazie s’est déroulée sur l’avenue Gedimino, l’artère principale du centre de Vilnius, alors que la Lituanie célébrait la proclamation de son indépendance de l’Union soviétique, obtenue en 1990. Avec une estimation de trois mille participants, cette manifestation  pourrait bien être la plus importante de ce genre en Lituanie.

Nazi-salute-11-March-2013

Cette année, les autorités de la ville de Vilnius avaient délivré un permis afin que la manifestation des nationalistes se déroule dans la rue Upès, située de l’autre côté du fleuve, à l’écart du centre ville. A la place de la manifestation néo-nazie qui se déroule tous les ans depuis 2008, cette année, Gedimino devait accueillir la « Laisves Vejas » (le Vent de la Liberté),  une fête célébrant la liberté et l’indépendance  et qui comprend de la musique, de la danse, de la poésie ainsi que d’autres activités saines.

Mais, n’ayant pas obtenu l’autorisation de défiler sur l’avenue Gedimino, les organisateurs de la manifestation néo-nazie ont demandé l’autorisation de défiler dans les rues de la vieille ville. Cependant, lors d’une conférence de presse tenue le 8 mars, le maire de Vilnius, Artūras Zuokas, a confirmé qu’un permis avait été délivré uniquement pour la rue Upès et que toute manifestation dans un autre lieu serait illégale. Suite à cette décision, l’organisateur de la manifestation, l’Union de la Jeunesse nationaliste, a fait allusion à une possible manifestation non autorisée.

Julius Panka, le leader de l’Union de la Jeunesse nationaliste, a invité les gens à se rassembler sur la place de la cathédrale à 15 heures. Face à cette décision, la police de Vilnius a déclaré qu’elle serait en alerte en cas d’évènements non autorisés, avec jusqu’à 300 policiers supplémentaires qui patrouilleront dans le centre ville. Kęstutis Lančinskas, le chef du département de la police de Vilnius, a annoncé que chaque incident serait traité au cas par cas et que la police serait prête à saisir les banderoles offensantes et à enregistrer chaque infraction.

A 13h le jour de la fête de l’Indépendance, l’heure habituelle de départ de la manifestation néo-nazie, le centre de Vilnius était calme. Beaucoup de personnes ont bravé le froid pour célébrer le jour de l’Indépendance sur l’avenue Gedimino, où il y avait une exposition photographique en plein air appelée «Reflets du grand-duché de Lituanie », une scène pour la lecture de poésie, une scène pour les enfants, des podiums pour plusieurs DJ et une zone de fitness où les gens pouvaient essayer le football, le basket de rue et d’autres activités. Certaines personnes à qui j’ai pu parler étaient satisfaites des évènements qui ont eu lieu cette année, déclarant qu’ils étaient plus complets et qu’ils représentaient une alternative bienvenue à la manifestation néo-nazie.

La présence policière était importante et visible autour de la place de la cathédrale où le rassemblement non autorisé devait se tenir.

A 15h, les gens ont commencé à se rassembler avec des drapeaux, des banderoles et des brassards. Selon les estimations de la police, environ trois mille personnes ont participé à la manifestation, un nombre bien plus élevé que l’année précédente. La police s’est dirigée vers la foule afin de contrôler (plutôt que de stopper) la situation et ils ont fouillé les sacs à la recherche d’objets dangereux. Sur la place de la cathédrale, on scandait Lietuva Lietuvams (« La Lituanie aux Lituaniens ») mais, à 16h, lorsque la manifestation a commencé à avancer sur l’avenue Gedimino, le slogan se résumait à Lietuva seulement (peut-être par précaution juridique). Les voitures de police occupaient l’avenue des deux côtés des étals, desscènes et des stands de l’exposition de photo qui avaient été installés au milieu de l’avenue pour les activités autorisées qui ont eu lieu plus tôt, ce qui a obligé les manifestants à marcher sur le trottoir. Mais après avoir passé la scène principale sur la place Kudirka, la manifestation s’est déplacée sur la route pour le reste du trajet, exactement comme les années précédentes.

A l’avant de du cortège, j’ai reconnu Petras Gražulis, un député, et Julius Panka, le leader de l’organisation de la Jeunesse nationaliste. Parmi les leaders de la manifestation se trouvait un groupe de cinq ou six signataires de la déclaration nationale d’indépendance de 1990 ; afin de les identifier rapidement, l’un deux portait une pancarte sur laquelle était écrit « Signatarai » (signataires).

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Pancarte permettant d’identifier le groupe de cinq ou six signataires de la déclaration d’indépendance de 1990 qui se trouvaient au premier rang du défilé.

Selon mes propres observations, il y avait bien moins de banderoles et de symboles offensants que les années précédentes. Cela est peut-être dû aux possibles consignes des organisateurs  qui souhaitaient s’assurer que la manifestation non autorisée se déroule avec le moins de problèmes possible. J’ai cependant été le témoin de quelques saluts nazis et certaines vestes portaient l’insigne du « swastika lituanien » (avec des lignes en plus). La manifestation s’est terminée sur la placeLukiškės,où les manifestants se sont rassemblés afin d’écouter des discours et de la musique.

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Le « swastika lituanien»

Des petits groupes de courageux (peut-être une trentaine de personnes au total, principalement en trois groupes) sont venus protester contre la manifestation. Sur la place de la cathédrale, j’ai vu une poignée de personnes avec des pancartes antifascistes, dont on m’a dit qu’ils étaient des représentants du Front populaire socialiste lituanien.

 

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Le groupe de manifestants du Front populaire socialiste et de la Lituanie sans le nazisme

Le mouvement Antifa lituanien et un groupe d’anarchistes étaient également présents. D’après l’un des manifestants du groupe anarchiste, la police voulait vérifier leurs banderoles afin de s’assurer qu’elles n’étaient pas trop provocantes et les mettre en garde contre toute infraction à la loi. Quand la manifestation a débuté, le groupe a été écarté du chemin des manifestants néo-nazis. Après cela, ils sont partis manifester sur les marches de la cathédrale puis sur l’avenue Gedimino, toujours sous la protection de la police qui, selon le manifestant à qui j’ai parlé, était polie et professionnelle.

Les protestations ont également pris des formes plus individualistes : quand le cortège a atteint Gedimino, un homme s’est avancé à l’avant de la procession en levant une pancarte où était écrit « Cirkas » (Quel cirque !). Fiokla Kiure, une militante pour les droits de l’Homme, portait une pancarte qui se traduisait par : « J’ai honte de vivre dans un pays gouverné par des Mankurts. »

 

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Fiokla Kiure porte une pancarte où il est écrit : « J’ai honte de vivre dans un pays gouverné par des Mankurts. »

Cirkas

La pancarte indique : « Quel cirque ! »

Devant le Trip Bar au 31 de l’avenue Gedimino, où se tenait une autre fête d’Indépendance qui faisait la promotion de la musique du prochain film du jeune réalisateur lituanien Romas Zarabauskas, We will riot, les organisateurs et les participants étaient sur le trottoir en train de scander Lietuva visiems (« La Lituanie pour tous »), ce qui a entraîné certains manifestants à chercher la confrontation. Cependant, comme tout au long de la manifestation, la police a protégé les manifestants et les observateurs de manière très professionnelle.

Ce fut un bonheur de voir ces différents groupes de lituaniens courageux tenir tête aux néo-nazis et se réapproprier la fête de l’Indépendance. Comme diraient les jeunes manifestants : Lietuva visiems !