La démocratie est un verbe, pas un nom

Nous évoquons souvent la réforme des services publics et la réforme de la démocratie séparément, comme si l’on pouvait réformer un domaine sans que l’autre n’en soit affecté. Les organismes du service public sont tenus au devoir de “fournir des services”, autant qu’à celui d'”être démocratiques”. Il y a souvent une confusion à ce propos, qui consiste à associer le fait d'”être démocratique” à des structures spécifiques (comme les assemblée) ou des processus (les élections).
D’autres considèrent les services publics comme un service ordinaire, et ce malgré leur fonctionnement. Dans le premier cas, on risque une séparation entre “ce que décident les citoyens” et “ce que proposent les citoyens” en fonctions distinctes. Dans le second on risque de voir apparaître des services qui seraient fournis sans être nécessairement démocratiques ou que l’on ne pourrait tenir responsables.

La manifestation organisée par @hublaunchpad & @globalnet21, “Open House – Creating democratic organisations for the 21st century“, me rappelle comment, àAlternatives Européennes, nous sommes passés d’un réseau à une coopérative – alors que, la nuit tombée, nous essayions de nous figurer une autre forme d’organisation démocratique, et ce en s’aidant d’une analogie avec le développement d’une fleur.

Je me suis alors demandé si les services publics locaux, les entreprises et la société civile seraient eux aussi capables d’imaginer de nouvelles formes d’organisation démocratique de manière aussi véhémente !

Puis je me souvenu des ateliers de @borderstocross que nous avions aidé à organiser – qui traitaient moins la question des organisations démocratiques que la façon dont les initiatives civiques s’organisent démocratiquement, dépassant les limites du service public, du marché et des communautés. Je classerais ces collaborations de façon suivante, d’après leur manière de créer une meilleure démocratie :

    • Les communautés locales exigeant que le service public soit plus démocratique, comme People Talk, qui entame le dialogue avec les services publics à l’aide de jurys citoyens et Tenever,où seules les décisions sont validées lorsqu’elles font consensus à 100% – rendant chaque opinion importante.
    • Les communautés locales exigeant que le monde des affaires soit plus démocratique,comme Save Greek Water, qui sensibilise la population aux dangers d’une privatisation de la gestion de l’eau (annoncée par le Premier Ministre) et élabore la résistance afin d’y mettre un terme ou SOM Energia, une coopérative d’énergie qui combat les oligopoles.
    • Les communautés locales mettant en oeuvre des méthodes de travail plus démocratiques,comme Citizens Academy,qui crée une école de citoyenneté etTeatro Valle, qui soustrait le plus ancien théâtre de Rome à la privatisation et le transforme en un espace partagé, gouverné pour et par la population.
    • Les services publics devenant plus démocratiques dans leurs interactions avec les communautés locales,comme Tuscan laboratory ou CittA@ttiva qui permettent à un groupe de jeunes fonctionnaires spécialisés dans la médiation sociale d’agir librement et de faire preuve de responsabilité dans leur action. Un chercheur desateliers a indiqué qu’il s’agit là de “devenir plus créatif, et moins bureaucratique”.
    • Les services publics introduisant plus de démocratie dans leur rapport à l’entreprise, comme le partenariat entre la ville d’Overijssel et le cabinet 00:/, qui fait le lien entre les entreprises issues du tissu local et les investisseurs privés.
    • Les entreprises introduisant plus de démocratie dans leurs interactions avec les communautés locales,comme  le service de soins à domicile de Malmö dirigé par la communauté locale, qui cherche à renforcer les capacités des associations locales à développer leur propre “affaire”, dont le revenu serait ensuite réinvesti dans la communauté locale.

    Ce qui m’a frappé, c’est que les services publics et les entreprises essaient d’être plus démocratiques dans leur manière d’interagir avec les communautés locales, alors que ces dernières essaient d’être plus démocratiques dans leur fonctionnement propre.

    Que se passe-t-il lorsque services publics et entreprises sont si faibles qu’elles laissent un vide en terme de fourniture de service? Cela engendre-t-il un vide démocratique?

    Dans une zone rurale de Suède, le manque de service public & privé poussa les villageois à fonder leur propre système de soin à domicile, géré démocratiquement et appartenant à ses membres. A Peel en Maas aux Pays-Bas, les membres d’un Conseil d’Etat décrétèrent au contraire que tout ce qui peut être mis en place par la population elle-même ne doit pas l’être par eux (les représentants du gouvernement), mais bien par celle-ci.

    Dans certains cas, le problème n’est pas une absence de service public, mais un manque de compréhension mutuelle entre différents acteurs, ce qui engendre des conflits imprévus… dont la conséquence involontaire est de créer de nouvelles formes de démocratie locale, mais sans institution !

    L’histoire d’Occupato Teatro Valle illustre bien cette idée: artistes et interprètes occupent un théâtre public pour le préserver. Plutôt que de se contenter de protester, ils créent des “parts citoyennes” permettant aux gens d’investir dans le théâtre et d’obtenir ainsi une voix, c’est-à-dire la possibilité de participer au fonctionnement du théâtre.

    Plutôt que de décider de tout déléguer aux communautés locales sans leur apporter aucun soutien ou sans écouter les citoyens et comment ils veulent que les services publics fonctionnent, pourquoi ne pas réunir services publics, entreprises et société civile afin de dégager des principes communs définissant le fonctionnement local, démocratique et participatif désiré?

    Quelle meilleure voie pour concrétiser ces principes que… la création d’une monnaie locale?

    Traduit par G. Sciuadone

    Cet article a été écrit dans le cadre du projet Transnational Democracy Network financé par l’agence Jeunesse en Action du British Council.