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La crise de l’Euro appelle à une nouvelle politique plus adaptée à notre époque

Traduction de Jérémy Labbetoul

Au cours de ces deux dernières années, les dirigeants nationaux d’États membres européens se sont réunis de plus en plus souvent afin de s’accorder encore plus de temps pour remédier efficacement à la crise économique qui s’empare de la Zone euro et de l’économie européenne tout entière. Des réunions trimestrielles devenues mensuelles aux conférences téléphoniques hebdomadaires, une réunion des chefs des États européens s’étend désormais sur pas moins de trois jours, dont un week-end. Il s’agit là d’une preuve tangible que notre système politique est en proie à un échec imminent.

Lundi dernier, George Papandreou a décidé d’organiser un référendum sur le dernier plan de « sauvetage » de la Grèce adopté par les dirigeants européens le jeudi de la semaine précédente, ce qui a replongé les marchés financiers dans l’incertitude la plus complète et révélé le peu de capital politique qu’il reste aux dirigeants européens. Les solutions techniques appliquées à l’économie européenne ne suffisent plus, et le temps est écoulé : seule une réforme radicale du processus politique actuel peut changer le cours des événements qui risque d’endommager le tissu social à tel point qu’il faudrait plusieurs générations pour le réparer.

D’une certaine manière, la démocratie a rattrapé les dirigeants européens. Au cours de ces deux derniers mois, les signes ont été multiples : de la décision de la Cour constitutionnelle allemande  qui impose qu’Angela Merkel dispose de l’approbation du Parlement allemand avant d’impliquer d’avantage l’Allemagne, notamment financièrement, dans les relations européennes, à la débâcle du vote slovaque sur le plan de sauvetage de la Zone euro, entre autres, sans parler du nombre grandissant de manifestations publiques pacifiques, de camps et d’occupations.

La décision d’organiser un plébiscite public en Grèce peut être perçue comme une tentative désespérée de réinstaurer un semblant de démocratie dans un processus décisionnel qui a perdu à la fois le soutien du public et la confiance des marchés. Les pressions exercées par les dirigeants français et allemands sur le Premier Ministre grec afin qu’il annule son référendum ne vont faire qu’accroître l’animosité du public envers le plan de la Zone euro. Quels que soient les résultats de ce référendum – s’il a lieu – seule une reconsidération des fondements de la démocratie en Europe pourra apporter une solution durable à la crise. Ci-dessous, nous énumérons quelques actions immédiates et à moyen terme.

La BCE comme prêteuse en dernier ressort

Dans l’immédiat, pour endiguer la contamination émanant de la crise de la dette souveraine grecque, il sera très certainement nécessaire que la Banque Centrale Européenne (BCE) garantisse qu’elle jouera le rôle de prêteuse en dernier ressort auprès des gouvernements de la Zone euro, et qu’elle établira par là même une certitude en matière de prix au sein des marchés des obligations d’État. En agissant sur les marchés secondaires, cet objectif pourrait être atteint dès maintenant sans aucune modification des traités. En outre, cela permettrait de mettre un terme à la situation scandaleuse qui veut que la BCE prête de l’argent aux banques à des taux d’intérêt minimum, pour que les banques prêtent à leur tour de l’argent aux gouvernements en pratiquant des taux d’intérêts extrêmement élevés. L’objection selon laquelle la BCE créerait de l’inflation en agissant ainsi n’est pas fondée, dans la mesure où la BCE a déjà prêté de l’argent aux banques dans les marchés secondaires, sur la base de garanties pour le moins douteuses, sans que cela n’ait d’effets notables sur l’inflation. De plus, l’aléa moral qu’implique le prêt aux gouvernements serait, sans aucun doute, un risque moindre que celui de prêter de l’argent aux banques, au vu de leur exposition et de leurs récents résultats.

Euro-obligations et contrôle démocratique européen sur l’économie

À moyen terme, l’émission d’euro-obligations communes et une série de modifications des traités en Europe semblent à la fois inévitables et souhaitables : les euro-obligations symboliseraient la solidarité européenne et relanceraient l’économie, tandis que des modifications apportées aux traités assureraient un contrôle démocratique sur l’économie.
Si l’Allemagne a émis des réserves légitimes quant aux plans de sauvetage de la Zone euro au cours des derniers mois, elles reposaient sur l’allégation selon laquelle il était injuste que des personnes (à savoir les contribuables allemands), n’ayant pas eu voix au chapitre dans les décisions portant sur l’économie d’un pays (en l’occurrence la Grèce), doivent assumer les conséquences desdites décisions. Une allégation très similaire est formulée par ceux qui protestent contre le fait que les fonds publics soient déployés pour venir en aide aux banques : on leur demande de payer le prix d’une crise qu’ils n’ont en aucun cas créée. Ces deux problèmes doivent être traités ensemble, et tant qu’aucune solution ne sera trouvée, tout accord « international » sera tributaire d’une modification des situations politiques nationales, et n’offrira pas la garantie d’une économie européenne intégrée.

La démocratie est, plus qu’autre chose, le meilleur moyen d’assurer une confiance et une transparence. Un plus grand contrôle démocratique doit s’exercer sur la structure de l’économie, et le dogme néolibéral selon lequel l’économie doit demeurer indépendante de toute forme de contrôle ou de réglementation politique doit être abrogé. De la même manière, le contrôle démocratique sur l’économie européenne doit être véritablement européen : il n’est désormais plus politiquement et socialement viable que les décideurs élus à l’échelle nationale et les publics nationaux prennent des décisions ayant des répercussions considérables dans d’autres pays de l’Union Européenne. Le contrôle économique européen doit s’exercer à l’échelle européenne, et ne plus être fragmenté entre diverses institutions, créant un écran de fumée institutionnel rendant impossible une délibération efficace fondée sur l’intérêt général européen.

La seule alternative à un contrôle démocratique renforcé sur l’économie, au sein d’une économie comme celle de l’Europe, serait d’imposer un carcan institutionnel visant à restreindre les choix nationaux, ce qui serait très probablement favorable aux riches « créanciers » de la Zone euro au détriment des faibles « débiteurs ». Le renforcement de ce qui était en principe un carcan inflexible comme le Pacte de stabilité et de croissance représenterait non seulement une approche malavisée de ce qu’une crise peut enseigner (tant la flexibilité est exactement ce qu’une crise requiert), mais serait en plus perçu comme une dictature par les citoyens, et il est difficile de prévoir pendant combien de temps un tel système serait toléré.

Une agora de citoyens pour un nouveau pacte social

Pour mener le changement nécessaire de paradigme au sein de la démocratie européenne, la procédure  de modification des traités devra être considérablement différente de l’expérience des traités de Nice et Lisbonne. Il n’est plus possible que les élites européennes conçoivent un nouveau traité par elles-mêmes et attendent du public qu’il s’en contente. Nous avons déjà vu les résultats de cette approche, dans des conditions beaucoup plus « favorables ». La procédure doit impliquer les citoyens dès le début, pas seulement pour avoir une légitimité politique, mais pour former un peuple européen qui se conçoit comme une seule et même communauté politique, au sein de laquelle un citoyen soit prêt à agir pour aider un autre, et dans laquelle tous ces citoyens puissent prendre des décisions ensemble, avec des institutions politiques communes  qui leur permettent d’agir de la sorte, ces institutions garantissant par ailleurs leurs droits sociaux et fondamentaux. Pour cela, le point de départ idéal serait l'ouverture d'une délibération publique à une vaste échelle qui implique réellement les ONG et les citoyens eux-mêmes, ainsi que les hommes politiques et fonctionnaires de toute l’Europe, afin de décider d’un nouveau pacte social pour une économie de la solidarité. Cette délibération transeuropéenne pourrait prendre le nom d’ « agora »,qui prévoirait une étape finale au Parlement Européen.

La procédure de modification des traités posera beaucoup de questions difficiles, notamment celle du statut de ces pays réticents à s’engager davantage dans l’intégration européenne comme le Royaume-Uni, qui a un système de « verrou par référendum »  sur les nouveaux traités européens. Il y a déjà une Europe à plusieurs vitesses dans beaucoup de secteurs d’intégration : le Royaume-Uni et la Pologne se sont désengagés vis-à-vis de la Charte des droits fondamentaux ; l’espace Schengen couvre 25 membres et non membres de l’UE. Des changements supplémentaires dans les traités devraient permettre une extension de cette logique de coopération renforcée dans la gouvernance économique et son contrôle démocratique. Bien que nous pensions que l’intérêt des peuples de tous les pays de l’UE soit d’être pleinement intégré en son sein, ces questions doivent être traitées et tranchées pour dépasser la réticence de certains Etats frileux, et pour clarifier la situation de tous. L’hésitation a un coût financier très concret, mais l’hésitation a aussi un coût démocratique encore plus élevé, en particulier là où le désengagement de toutes les institutions politiques et la non-confiance s’accroît et s’approfondit.

D’autres décisions difficiles porteront précisément sur la manière dont le Parlement Européen, ou un système de parlements européens, exerce son contrôle démocratique sur l’économie européenne, ainsi que sur le mandat exact et la surveillance démocratique opérée par la BCE. Ces questions doivent être tranchées, et ces institutions n’auront un caractère véritablement démocratique que lorsque ces décisions seront prises à la suite d’un large débat public.

Un congrès pour le changement

Nous, citoyens de l’Europe, n’avons pas le sentiment que nous sommes impuissants à prendre part à la redefinition de la politique européenne. Là où les leaders nationaux échouent, les citoyens ont à la fois le droit et la responsabilité d’agir pour preparer le terrain pour la nouvelle politique qui remplacera l’ancienne. Alternatives Européennes, ainsi que d’autres organisations, s’engage dans cette voie. Avec ces objectifs, Alternatives Européennes appelle à un Congrès pour le Changement au Parlement Européen le 30 novembre, comme point de depart d’un processus qui aura lieu en 2012.