Despotisme hongrois : l'Europe doit agir

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Viktor Orban, Premier Ministre hongrois. Flickr/EPP. Certains droits réservés

Par Lorenzo Marsili, directeur d’Alternatives Européennes.

Cet article a initialement été publié sur OpenDemocracy.

Traduit par William Foster

 

A la une de Newsweek: “Le Mussolini hongrois fait serment de transformer l’Etat Membre de l’UE en Etat Autoritaire”. Le Premier Ministre hongrois Viktor Orban est enfin sorti de l’ombre: lors d’un rassemblement de sympathisants il a admis avoir pour but de convertir le pays en état autoritaire. Il a remarqué que les démocraties libérales occidentales ne peuvent pas assurer leur compétitivité globale, citant la Chine, la Russie et la Turquie comme l’exemple à suivre.

Ces déclarations inquiétantes sont malheureusement étayées par des faits.

Elles suivent des années de législation de plus en plus restrictive, lesquelles ont remis en cause l’indépendance du système judicaire, des médias, de la société civile et ont consolidé le pouvoir de Fidesz, le parti en place.

En Avril 2011, une réforme de la Constitution a réduit au silence la Cour Constitutionnelle en permettant au Gouvernement  de légiférer comme bon lui semble. La même année une réforme draconienne des médias a mis sous tutelle de l’Etat les supports privés et publics de diffusion de l’information, en facilitant la manipulation de la diffusion publique, la censure directe, la fermeture des médias de l’opposition et en tentant de pousser à la faillite la chaîne de TV internationale RLT à cause de ses critiques à l’égard du régime. De ce fait la peur a de nouveau sa place au sein de la société hongroise. Les membres de la famille et les amis de l’opposition sont devenus inemployables, un certain nombre d’ONG recevant de l’aide étrangère ont été mises sur liste noire, et les donateurs internationaux tels que le Fonds d’Assistance Civile Norvégienne ont été menacés de suspension de leur permis d’activité.

Les institutions internationales se font de plus en plus entendre sur le sujet. Le Conseil de l’Europe a écrit au Premier Ministre hongrois pour exprimer sa préoccupation au sujet de l’audit des ONG. L’OSCE, après avoir condamné la réforme des médias, a publié un rapport démontrant un “biais important” des médias envers le parti au pouvoir.

Neelie Kroes, la vice-présidente de la Commission Européenne, a dénoncé les tentatives d’acculer à la faillite les médias de l’opposition: “RTL est une des rares chaînes en Hongrie qui ne fasse pas la promotion de Fidesz; il semblerait que leur but soit simplement de les expulser de la Hongrie”. Elle y voit “des pratiques contraires aux valeurs de l’UE” qui risquent de dériver vers “une période différente, plus sombre de l’histoire hongroise”.

Ces déclarations doivent être suivies par des actes concrets. L’UE possède les outils pour agir et démontrer que la suspension de la démocratie est intolérable. L’Article 7 du Traité de l’Union Européenne établit un mécanisme de prévention pour faire face aux risques de violation des valeurs communes de l’Union par un Pays Membre, ainsi qu’un mécanisme de pénalité en cas de violation.

Ces pénalités comprennent la suspension du droit de vote au sein du Conseil Européen, le gel des Fonds structurels d’aide à l’Etat et au pire des cas, l’expulsion de l’Union.

La procédure de l’Article 7 devrait être mise en place tout de suite. Sachant que la Hongrie dépend fortement des Fonds structurels de l’UE avec 97% de ses projets d’investissements nécessitant l’appui de l’UE, la simple menace de suspension enverrait un message clair à Viktor Orban. Cela montrerait aux citoyens hongrois, effrayés par le régime autoritaire, qu’ils ne sont pas livrés à eux-mêmes. Cela enverrait aussi un message aux voisins de l’Europe -que ce soit Erdogan en Turquie ou le gouvernement de l’Azerbaïdjan- que le bloc ne tolère pas l’érosion de ses normes démocratiques.

Afin d’éviter qu’une situation comme celle de la Hongrie ne se reproduise, l’Europe doit aussi agir pour la mise en place de garanties accrues pour la protection des droits fondamentaux, notamment en protégeant la liberté des médias et leur pluralisme. Presque 200 000 personnes ont déjà signé une Initiative Citoyenne Européenne réclamant une directive de l’UE afin de protéger l’indépendance de la presse  d’un bout à l’autre du continent. Cette réclamation devrait être assumée par la Commission Européenne et un projet de législation devrait être immédiatement produit.

L’Europe est le berceau de la démocratie. C’est au tour des institutions européennes de démontrer que le continent est prêt à tout pour la protéger.