Actuellement muets (CURRENTly silenced)

Article par Federico Guerrieri
Traduction par Mélanie Boulland

Aujourd’hui nous nous retrouvons à faire face àun énième coup porté contre la liberté de la presse en Europe : la chaîne de télévision italienne « Current » est sur le point d’être annulée par Sky Italia.
 
La raison officielle donnée par le groupe de Rupert Murdoch a été attribuée à une chute du taux d’écoute . Sky, dans son communiqué de presse officiel, insiste sur le fait que « la performance  (de Current) n’est malheureusement plus à son apogée », citant que le taux d’écoute moyen a chuté de 20% par rapport à l’année précédente.

Cependant, c’est là où l’argument ne tient pas la route : depuis sa création il y a environ 3 ans, Current Italia a constamment été capable de produire des programmes de grande qualité. C’est un fait évident puisque non seulement la chaîne a reçu une reconnaissance largement répandue ; mais qu’en plus une pléthore de récompenses nationales et internationales lui a été décernée, parmi lesquelles le Prix Rossellini, la récompense de la liberté de l’Information décernée par l’Union Nationale des Reporters, et en 2010 la récompense « Hot Bird TV » en tant que meilleure chaîne d’Europe.
 
La véritable motivation qui a poussée Sky à ne pas renouveler son contrat avec Current Italia est dû au fait que Current est perçue comme une chaîne à problèmes dans sa recherche constante de la vérité, mais également dû à sa réputation  d’être une des rares voix isolées qui a résisté au gag de l’information imposé par la Piduista ou le gouvernement Mason de Silvio Berlusconi. Current n’a jamais évité la critique des pouvoirs en place, de Rupert Murdoch lui-même en passant par l’Eglise Catholique.
 
Al Gore, le fondateur du programme de télévision, a accusé en des termes douteux, l’entreprise New Corp de Murdoch, d’avoir forcé Sky Italia à annuler Current après avoir « renvoyé un journaliste de gauche (Keith Olbermann) qui a été critique vis-à-vis de Murdoch ».Gore a également fait une autre déclaration intéressante bien pire : « Sky Italia est actuellement en train de négocier avec le gouvernement pour entrer dans le marché terrestre digital et a besoin d’un accord de Berlusconi pour y aller ».
 
C’est encore un autre exemple clair de ce qui se passe dans un marché fortement oligopolistique : plutôt que de se concurrencer, les principales compagnies trouvent un moyen de s’entendre sur un accord leur permettant de servir leurs propres intérêts et leurs gains personnels. Et ceux qui payent pour cela sont les citoyens eux-mêmes, qui voient leur droit d´être informé sapé de plus en plus chaque jour.

En 2009, Alternatives Européennes a présenté au Parlement européen un rapport sur la situation des médias en Italie. Ses recherches soulignaient le problème du manque de liberté et de pluralisme de l’information en Italie, et le décrivait comme un virus ayant le potentiel d’infecter un certain nombre d’autres pays européens. Le Parlement européen à cette époque était composé d’une large majorité d’éléments conservateurs qui ont voté contre la résolution d’une sanction de l’Italie, par seulement une majorité de trois votes.

Aujourd’hui, en seulement deux ans plus tard,  nous sommes à présent témoins d’un processus de « Berlusconisation » en Europe, plus que jamais alarmant, qui emporte dans son sillage de nombreux affronts à la liberté et au pluralisme de l’information. Et comment : En Hongrie par exemple, ont été votées des lois tellement draconiennes que l’OSCE n’a pas hésité à les condamner comme étant des lois « totalitaires ». La Bulgarie ne doit pas non plus être dispensée de tout reproche quand elle est reconnue comme le pays où la liberté de la presse est la plus restreinte d’Europe. Pendant que la France avec ses récentes restrictions sur Internet, imposées par le gouvernement Sarkozy, a été pour la première fois placée sur la liste des pays sous surveillance de Reporters sans Frontières, en étant classée comme un « ennemi d’Internet ». Rupert Murdoch lui-même est en train d’essayer d’acquérir BskyB : et s’il devait y parvenir, il se retrouverait alors dans une position dominante sur le marché des médias britanniques.

D’autres évènements dans le paysage politique font pleinement écho aux sentiments ressentis dans cet article. La révolution espagnole par exemple, a été délibérément ignorée par les médias locaux et l’on ne peut oublier que l’une des principales demandes du mouvement espagnol de protestation est précisément la nécessité d’une plus grande liberté des médias.  
 
Il est absolument nécessaire que cette question de la liberté et du pluralisme de l’information soit considérée au niveau européen. C’est cette nécessité qui a poussé Alternatives Européennes à lancer la campagne intitulée « Initiative européenne pour le Pluralisme des Médias »
 
L’absence d’une quelconque liberté d’information est une attaque réelle et authentique aux droits fondamentaux des citoyens. Current Italia est un des rares médias qui a le courage d’enquêter, de raconter, et par-dessus tout, D’INFORMER, le rendant en quelque sorte unique à la télévision européenne et italienne.

Pour cette raison, Alternatives européennes soutient la campagne pour sauver Current Italia, et espère que la chaîne restera très visible sur SKY.
 
Nous encourageons aussi Al Gore à amener Current TV sur la TNT, de façon à ce qu’elle puisse être visible pour ceux qui n’ont pas les moyens de payer pour les chaînes câblées, étant donné que nous croyons que la liberté de l’information est un droit pour chacun.
 
Current TV suggère que vous aussi vous aidiez sa cause, en écrivant directement à l’adresse suivante pour demander que Current TV ne soit pas retirer des ondes : tom.mockridge@skyTV.it, responsable de Sky Italia.