Jul 29, 2011
Rapport sur les droits des immigrants sous surveillance en Italie
par Costanza Hermanin, Open Society
Traduction par Camille Nore
Mercredi 22 Juin, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a reçu les plaintes contre l’Italie d’un groupe d’immigrants somaliens et érythréens refoulés vers la Libye par des navires italiens dans leur tentative d’atteindre les côtes italiennes.
Bien que l’affaire « Hirsi et autres contre l’Italie » remonte à 2009 et que de nouvelles mesures aient été adoptées en réponse à cela, l’afflux actuel d’immigrants nord-africains continue de susciter de l’inquiétude concernant les Droits de l’Homme des immigrants arrivant en Italie. Le 17 Juin, l’Italie a signé de nouveaux accords sur le contrôle conjoint et le rapatriement avec le Conseil de Transition Libyen, envisageant des retours vers un pays actuellement en guerre. La veille, elle a triplé le temps maximum de la détention administrative, de 6 à 18 mois.
Dans l’affaire Hirsi, les demandeurs étaient à bord de trois bateaux transportant 200 personnes, stoppés par les gardes-côtes italiens au large des côtes Maltaises. Les passagers ont été transférés sur des navires militaires italiens et ont été reconduits vers la Libye, en accord avec un traité bilatéral conclu entre les deux pays en 2008. Les plaintes affirment que l’interception des immigrants est une violation des droits des demandeurs à rechercher l’asile politique, les exposant au risque de torture ou de traitements inhumains ou dégradants dans les camps de détention en Libye ou dans leurs pays d’origine.
Après le classement de l’affaire Hirsi et les critiques en 2010 à propos de la politique de refoulement exprimées à la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies, l’Italie a arrêté de refouler les immigrants, dont les réfugiés potentiels, vers la Libye. Mais en plus du nouvel accord avec le Conseil de Transition Libyen, elle a également signé des accords similaires avec la Tunisie, préparant le terrain pour une reprise des refoulements en haute mer.
L’Italie se moque aussi totalement des fondamentaux des Droits de l’Homme sur son propre sol, en accord avec les pouvoirs nationaux d’urgence déclarés face à l’afflux de personnes fuyant les crises d’Afrique du Nord. Jusqu’ici cette année, quelques 14 000 demandeurs d’asile d’Afrique sub-saharienne et environ 20 000 immigrants économiques sont arrivés sur les côtes italiennes.
En plus d’utiliser ses pouvoirs d’urgence afin de centraliser la gestion des sites de débarquement et de mettre en place des “cités de tentes”, le gouvernement est également en train d’interdire l’accès à ces centres sauf à quelques ONG. Les restrictions s’appliquent aussi aux visites accordées aux journalistes, une interdiction qui a conduit aux protestations de la Fédération Italienne de la Presse et de l’Ordre des Journalistes.
Les quelques spécialistes pouvant visiter les camps – Médecins Sans Frontières, quelques députés et un reporter indépendant du journal “Repubblica” – ont rapporté des preuves claires de non respect des normes fondamentales des Droits de l’Homme et ont demandé la fermeture immédiate des camps.
Le reportage du journaliste indépendant, qui a réussi à entrer dans le camp de détention du Palazzo San Gervasio à Basilicata, contient une séquence vidéo de détenus tunisiens attestant de conditions de détention difficiles, de violence et de blessures. Les immigrants détenus ont dit n’avoir eu aucune information concernant la possibilité de demander l’asile, de contacter leur famille ou de se voir fournir une assistance légale, ce qui est clairement non conforme aux normes Européennes et nationales. Un avocat d’une ONG locale qui par la suite a tenté d’entrer dans le camp après plusieurs appels avec les détenus, a dû attendre une semaine avant de pouvoir rencontrer ses futurs clients.
Le reportage a également mis en lumière les conditions de détention inadéquates à l’intérieur du camp Palazzo San Gervasio, qui a été l’un des trois camps installés pour héberger la vague d’immigrants. Les sites étaient initialement conçus comme des camps d’accueil temporaires. Cependant, les « cités de tentes » ont été transformées en camps de détention après que d’autres gouvernements européens, dont la France et l’Allemagne aient fait objection à la politique italienne visant à fournir aux immigrants un «permit humanitaire temporaire » leur permettant de voyager en Europe.
Bien que la Cour Européenne des Droits de l’Homme ait la possibilité de réexaminer les refoulements en haute mer effectués en 2009, l’interdiction du gouvernement d’accéder aux installations empêche un examen national approfondi de la politique actuelle relative aux centres de détention des immigrants italiens.
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L’Italie dénombre la plus faible population de réfugiés parmi l’Union Européenne. Elle devrait alors se concentrer sur l’accélération des procédures d’asile plutôt que sur l’accroissement des détentions, ou sur la signature de plus d’accords de rapatriement avec des pays non sécurisés.