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Commencez avec l’âme, pas avec le sac à main

Traduit par Audrey Ubertino
 
Dans le cadre de notre projet making a living (gagner sa vie), nous nous intéressons à l’utilité des différentes formes de soutien permettant d’aider les jeunes à faire face  à la précarité. Dans notre dernier article, nous nous sommes intéressés à la situation à laquelle les gens doivent faire face. Ici, nous nous intéressons à leur attitude vis-à-vis de l’état.
 
Commencez avec l’âme, pas avec le sac à main
 
Nous devons changer les mentalités, nous devons nous intéresser à la contribution que les gens eux-mêmes peuvent apporter, pas uniquement en tant que consommateurs mais en tant que citoyens, comme l’a souligné @hilarycottam sur Relational Welfare. Nous devons commencer avec les gens, pas avec les économies, en fournissant le stimulus qui revitalise leur bien-être, pas seulement leur pouvoir d’achat.
 
Nous devons également commencer à changer les arguments. Il ne s’agit pas de savoir qui mérite d’être aidé ou non. Il ne s’agit pas non plus de définir qui est pauvre et qui  ne l’est pas. Il s’agit de comprendre comment est vécue cette pauvreté, comment les relations sociales et culturelles des gens définissent ce qu’ils considèrent comme des besoins matériels et ce qu’ils considèrent comme socialement acceptable (« les familles de travailleurs ») ou non (« les profiteurs »).
 
Pourquoi pensez-vous que tellement de gens tiennent à se définir autrement que comme la « classe ouvrière » ? Les gens ne veulent pas inspirer de la peur ou de la pitié. C’est pourquoi beaucoup tentent de se soustraire à la main tendue de l’état. C’est pourquoi ils ont été étiquetés comme « difficiles à atteindre » ou « rarement entendus ». C’est pourquoi même certains des meilleurs services, comme les centres pour enfants, ne les atteignent pas autant qu’ils le pourraient.
 
Respect, dignité et espoir : encourager un sentiment d’appartenance collective
 
La reconnaissance et le respect sont tout aussi importants que la redistribution. Une école qui encourage l’établissement de relations a autant de valeur qu’une école qui encourage la réussite aux examens, selon que nous voulons créer de bons petits consommateurs ou de bons citoyens. La reconnaissance du fait que les services peuvent être améliorés par les intérêts communs au personnel et aux utilisateurs qui travaillent ensemble, en fournissant des services publics qui traitent les gens avec dignité, donne de la valeur à leur contribution et développe un sentiment d’appartenance collective.
 
 

 
Bien que beaucoup trouvent difficile d’imaginer la possibilité d’échapper à la pauvreté et à l’exclusion sociale, cela ne signifie pas qu’ils n’espèrent pas, comme le montrent les témoignages de @comm_links. Lorsqu’Obama parle d’ « être le changement auquel nous pouvons croire », cela assimile très bien ce paradoxe. Néanmoins, leurs espoirs luttent constamment contre l’imprévisibilité de leur vie et de la peur qu’elle génère. C’est pourquoi impliquer les utilisateurs dans la coproduction de services publics n’offre pas seulement un plus grand espoir, cela permet aux gens d’utiliser cet espoir et cette énergie afin de travailler avec le personnel pour développer les services qui leur importent.
 
Des paradis consuméristes à des espaces sûrs : du consommateur au travailleur social
 
Les gens regardent souvent en arrière, vers un âge d’or où il y avait un sentiment de voisinage et où les gens étaient fiers de l’endroit où ils vivaient. Mais pour certains, lorsqu’ils regardent où ils vivent, il n’est guère étonnant de les voir trouver refuge dans le paradis consumériste du centre commercial de Westfield ou dans la méritocratie virtuelle de X Factor. Nous fuyons la réalité de notre voisinage et nous fuyons ceux que nous connaissons. Nous avons l’impression d’avoir perdu notre sentiment d’appartenance et notre sentiment de confiance. Nous pouvons nous sentir moins dignes de confiance de nos voisins, moins attachés à notre famille éloignée ou même proche et pourtant, l’amitié et la confiance sont encore plus essentielles dans notre société de plus en plus atomisée. Nous devons créer des espaces sûrs où les gens pourront parler et s’occuper les uns des autres grâce à un meilleur accès aux réseaux de soutien mutuel et à des thérapies conjugales moins chères. Soutenir la prise en charge, non la pénaliser.
 
Sous-traiter les relations et les atouts cachés
 
A la manière dont l’état définit ses « services », les fonctionnaires ne peuvent que s’engager dans des moments spécifiques de la vie des gens et ignorent les complications du reste de leur vie quotidienne. Cela engendre des suppositions de la part de l’état, qui sont renforcées par les gens eux-mêmes. En effet, pour beaucoup, il existe une relation antagoniste avec l’état. Ils se sentent évalués et jugés de tous les côtés, par leurs voisins et les médias et par l’état lui-même. Cela alimente un cercle vicieux évitant à l’état d’échapper aux accusations prononcées par les autres, contre lequel ils portent eux-mêmes des accusations, et selon lesquelles, d’une certaine manière, ils « fraudent le système ». Ce n’est pas qu’ils sont ingrats, mais ils ont l’impression que les institutions ne comprennent pas le monde dans lequel ils vivent.
 
Cette relation existe également pour les fonctionnaires, ils ont l’impression qu’ils ne sont pas dignes de confiance pour servir la population avec efficacité. L’obsession de la performance, de la privatisation et de la personnalisation les empêchent d’autant plus de pouvoir comprendre les personnes qu’ils servent.
 
Nous devons réinvestir dans les ressources émotionnelles et sociales afin que le personnel et les utilisateurs de services fassent les « choix difficiles » sur des questions telles que la cohésion, les maladies chroniques ou les changements climatiques. Ils peuvent résoudre les tensions entre les différent besoins des personnes et leur capacité à participer. Alors seulement, l’état pourra montrer à ses citoyens qu’il est non seulement de « leur côté » mais qu’il travaille avec eux « du même côté ».


Nous devons révéler ces « atouts cachés » de réciprocité et de confiance et remodeler le capital social qui met ces atouts en valeur autant que davantage de formes d’engagement reconnues. Bien sûr, nous devons inciter les gens à travailler. Mais cela ne signifie rien aux communautés que nous servons si nous n’aidons pas les gens à s’aider en se soutenant, en récompensant la prise en charge plutôt qu’en la pénalisant.