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Lettre ouverte et invitation à mes jeunes amis tunisiens et égyptiens

Flashmob pendant la réception de la Caravane du Sud pour la Dignité et la Liberté, Tunis, le 23 juin (voir la journée transnationale de mobilisation d'AE menée le 23 juin)

Traduction de Camille Nore

La semaine dernière le co-Directeur d'Alternatives Européennes, Niccolò Milanese, a participé à la Conférence “Croire dans le dialogue, Agir pour la Citoyenneté” organisée par la Fondation Anna Lindh -une fondation euro-méditerranéenne pour le dialogue entre les cultures- qui a eu lieu à Tunis, la capitale tunisienne.
200 représentants et associations de la société civile oeuvrant pour la démocratie et la liberté dans une perspective interculturelle étaient également présents. Ce rassemblement était l'occasion d'échanger sur les défis qui attendent les sociétés euro-méditerranéennes notamment en termes de citoyenneté, dans le contexte actuel marqué par la transition démocratique et un climat de changement social.

Suite à la rencontre du co-Directeur d'Alternatives Européennes, Niccolò Milanese, avec des militants tunisiens et égyptiens, voici une lettre ouverte qu'il leur a écrit, appelant à une collaboration future.

Très chers amis,

 
 Ce fut un plaisir et un honneur de vous rencontrer à Tunis le weekend  dernier durant la conférence “Croire dans le dialogue, Agir pour la Citoyenneté ».

J’ai été inspiré par vos récits d’engagement et de passion pour le changement, et ému par vos sacrifices et votre courage. Les jeunes égyptiens et tunisiens ont réalisé une  avancée majeure dans l’histoire de vos nations et cependant il est clair que la lutte pour la démocratie n’est pas encore gagnée, et que du courage et de la résistance seront nécessaires  pour surmonter totalement les horreurs commises par les anciens régimes,  sans pour autant tomber dans de nouvelles dictatures.
 
Cependant, en vous écoutant et en discutant avec vous, deux pensées n’ont cessé de me perturber  et c’est à ce sujet que je prends la liberté de vous écrire. La première met l’accent sur tout l’espoir et l’inspiration que vous avez donné aux jeunes à travers l’Europe. Je suis certain que vous avez vu les affiches à Madrid et Athènes disant ‘C’est notre Place Tahrir’ ou les slogans ‘Tunis, Le Caire, Bruxelles’ écris sur les murs des capitales européennes, mais peut-être n’avez-vous pas pleinement intériorisé leurs significations. Bien que presque toute l’Europe, sauf la Béliorussie, n’ait plus de dictatures meurtrières, les jeunes de notre continent voient dans votre soulèvement un signal d’espoir pour leurs propres situations : Les personnes s’insurgeant ensemble peuvent surmonter les forces qui les oppressent, en particulier les jeunes faisant face au chômage, au manque de perspectives, ou à la perte de fonds cumulés jusqu’à présent..  La jeunesse européenne vous regarde avec admiration, les manifestations et sit-ins  à travers l’Europe ont créé une émulation et ont été une tentative d’adapter  le succès de vos actions à notre propre situation.
 
 Cela me mène à ma deuxième inquiétude, plus profonde. Je comprends que le prix de la construction d’une vraie démocratie parlementaire dans vos pays est tellement important et les risques si fragiles, que vous vous concentrez intensément sur sa réalisation. Mais je vous encourage à voir plus loin et à vous demander si une démocratie parlementaire telle que vous la voyez en Europe et en Amérique est ce que vous voulez vraiment.

 La démocratie parlementaire ne fonctionne pas correctement en Europe et les jeunes subissent particulièrement cet échec. 20 ou 30 ans d’apathie créée par notre système ont conduit à l’incapacité électorale d’une génération qui réalise maintenant qu’aucun leader politique ou parti politique ne représenteleurs intérêts. Dans tous les pays européens, l’oligarchie domine et le choix entre les partis politiques existants devient de moins en moins significatif. Finalement, les décisions les plus cruciales pour l’avenir de nos économies ne sont quasiment plus contrôlées par les parlements mais plutôt imposées par la logique néolibérale d’un système représenté par le Fond Monétaire International et l’Union Européenne dans sa forme actuelle. Cela a amené les jeunes à protester dans les rues sans appeler à un système alternatif clair.
 
 C’est avec ces constats  en tête que les jeunes Européens vous regardent avec espoir. L’espoir qu’une forme alternative de démocratie,  basée sur la participation des citoyens, peut être inventée par vous, qui par vos propres efforts avez saisi l’opportunité de participer à la création d’un nouveau système, et par vous jeunes tunisiens et égyptiens qui avaient apporté le changement dans vos propres pays avec les technologies 2.0 du web et la mobilisation populaire, et qui avaient insufflé le changement et  l’insurrection au-delà de vos frontières.

 Mettre en place une démocratie parlementaire sera une première avancée majeure pour vos pays. Mais au-delà de cela, vous devez chercher à éviter toutes les erreurs commises en Europe et qui ont conduit à notre situation actuelle. Nous devons œuvrer ensemble afin de s’assurer que la démocratie se construise autour de la Méditerranée, ainsi que dans chaque pays méditerranéen, car notre monde globalisé ne nous permet pas de raisonner en termes de souveraineté distincte.
 C’est dans cette perspective que je termine ma lettre en vous invitant à ouvrir le dialogue avec vos pairs à travers l’Europe sur cette question précise :comment pouvons-nous œuvrer ensemble à la construction d’une meilleure démocratie pour le futur, pour nous tous ? Je comprends que dans les mois qui viennent des affaires urgentes vous attendent,  et nous faisons également face en Europe à des situations historiques, mais nous devons trouver le temps de penser au futur, un futur démocratique commun. Ma propre organisation, Alternatives Européennes, fera tout ce qu’elle peut pour rendre cela possible, et je sais que les jeunes et les organisations à travers l’Europe s’investiront avec enthousiasme à nos côtés.

 Avec tout mon respect

Niccolò Milanese
Alternatives Européennes


Niccolò Milanese à Tunis, le 23 Juin dernier