Deux rives, un combat : le forum « IndignaCtion ! »

Galerie photo disponible ici.
Par Gianluca Solera et Charlotte Ricco
Traduit par Audrey Ubertino

« Nous, les militants de 20 pays européens et arabes, participant au forum international organisé à Luxembourg du 10 au 12 septembre 2012, avons découvert à travers le dialogue et une expérience commune que ce qui nous unit est plus important que ce qui nous divise dans notre combat pour créer des conditions dans lesquelles tous les êtres humains peuvent vivre dans la dignité, la liberté et la paix […]Nous soutenons toutes les actions en faveur du droit fondamental de la libre circulation des personnes et les politiques respectant la liberté individuelle, la dignité et l’égalité. Nous soutenons tous ceux qui se sont engagés dans le combat pour l’autodétermination, la liberté et la justice sociale. »

Ce sont les mots des participants au forum « IndignaCtion ! ». Du 10 au 12 septembre, près de 70 jeunes protagonistes du printemps arabe et des mouvements européens des Indignés, issus de vingt pays européens et arabes, se sont rassemblés au Centre culturel des Rencontres  Abbaye de Neumunster, le siège du réseau de la fondation Anna Lindh au Luxembourg.

Le forum « IndignaCtion ! », soutenu par la fondation Anna Lindh et parrainé par le ministère des Affaires étrangères luxembourgeois, a consisté en un rassemblement de trois jours avec des rencontres passionnées, des échanges, des débats et des évènements publics qui se sont conclus avec l’engagement, comme stipulé dans une déclaration commune, d’établir une plate-forme de mise en réseau commune afin de poursuivre le combat pour un changement social démocratique.

Le forum « IndignaCtion ! » a fourni un espace pour la connaissance mutuelle et le dialogue, permettant aux participants d’échanger leurs expériences sur le terrain («Des voix venant de la place ») lors des respectives révolutions, révoltes et protestations sociales dans la région euro-méditerranéenne. Des sessions ouvertes ont permis aux participants de discuter de sujets qu’ils ont eux-mêmes choisis et d’imaginer des initiatives ou des actions communes. Les sujets de discussion étaient aussi variés que les profiles des participants, du scénario d’un nouveau système au-delà de la crise du capitalisme aux nouvelles formes de protestation sociale, le rôle des femmes dans les mouvements, la notion de violence dans notre société, les pratiques de la désobéissance civile et les initiatives économiques populaires, le rôle des médias dans la représentation des révoltes, les mouvements religieux dans le printemps arabe, les perceptions et les racines communes dans la crise affectant les deux rives de la Méditerranée, et la capacité à passer de la notion de « se révolter contre » à celle de « se révolter pour ». Les questions de la mobilité des personnes et de l’émigration ont été évoquées à plusieurs reprises, en gardant à l’esprit les difficultés auxquelles ont été confrontées les organisateurs et les participants à l’évènement pour obtenir un visa (bien que les autorités luxembourgeoises aient été très coopératives pour les leur accorder).

Le débat public, en présence de l’ex-footballeur et militant antiracisme Lilian Thuram, du chercheur et syndicaliste Christopher Aguiton, du représentant de la Banque européenne d’investissement, du candidat au prix Nobel de la paix égyptien Esraa Abdelfattah, du directeur de la Chambre de commerce du Luxembourg, du journaliste belge Michel Collon et bien d’autres, avec la contribution du directeur de Greenpeace International Kumi Naidoo, a duré près de 3 heures ! D’autres personnalités ont participé, telles que l’ambassadeur Stéphane Hessel et le Père Paolo Dall’Oglio (via Skype), le cinéaste et journaliste grec Aris Chatzistefanou, le mannequin et militante pour l’éducation pour tous gréco-gabonaise Gloria Mika ou la polémiste Caroline Fourest. Les participants ont visité plusieurs lieux symboliques à Luxembourg, dont le Centre pour les demandeurs d’asile, la ville écologique de Beckerich et le quartier général du syndicat CGT-L. Le film « Catastroika » d’Aris Xatzistefanou, traitant particulièrement de la privatisation de l’eau, des transports et de l’énergie, a été projeté et suivi d’un débat public.

Lors de la rédaction de la déclaration, les participants, qui ont apprécié l’opportunité de pouvoir discuter de problèmes sociaux, politiques et économiques d’un point de vue euro-méditerranéen et de mieux comprendre les combats de chacun, ont exprimé l’envie de garder le contact et d’organiser non seulement des échanges d’informations en ligne mais également des initiatives communes telles qu’un autre forum de ce genre, « qui fait la promotion d’une action participative non violente et de toutes les autres initiatives protégeant le bien commun (le peuple), et le partage d’expériences et d’informations, pour renforcer la solidarité entre les peuples et améliorer la capacité de chaque citoyen à contrôler les décisions concernant ses intérêts vitaux. »

Les problèmes ordinaires qui affectent les pays européens et arabes exigent des réponses ordinaires, des solutions locales appliquées en tenant compte du contexte géopolitique de chaque pays. Le forum a tenté de créer une opportunité de réseaux entre les militants de différents milieux mais qui partagent le même désir de justice sociale. En fin de compte, les participants du forum « IndignaCtion ! », qui s’est tenu au cœur de l’une des places financières mondiales en coopération avec Occupy Luxembourg, ont exprimé leur volonté de donner suite à ce genre rassemblement multinational et d’alimenter une plateforme de protestation euro-méditerranéenne. Notre souhait est que les militants et leurs partenaires s’appuient sur cette opportunité afin que ce forum, bien qu’unique, ne reste pas un évènement ponctuel puisqu’il est conçu dans le but d’inviter les protestataires de plusieurs endroits de la région euro-méditerranéenne. Nous espérons qu’un groupe de travail se formera afin de réfléchir et d’organiser une seconde édition d’ « IndignaCtion ! », qui pourrait se tenir sur la rive méridionale de la mer Méditerranée.

Lisez la déclaration de Luxembourg ici.