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Crimes contre l’environnement

Par Rosen Dimov
Traduction par Aliénor Daumalin

 
Le terme de « crime contre l’environnement » au sens le plus large fait référence à tout dégât causé, délibérément ou non, par l’homme à la nature environnante. Il désigne donc des problèmes aussi divers que la protection des espèces en voie de disparition, la diminution de la couche d’ozone, la pollution des sols ou encore le trafic de déchets nucléaires. Le traité international le plus important sur la question est la Convention d’Aarhus des Nations Unies. Un des principaux outils de la lutte contre le crime environnemental organisé est l’accès à la justice, le troisième pilier de la convention. Cela signifie que l’UE va développer et renforcer un ensemble de mesures pour faire face aux crimes contre l’environnement qui permettront aux citoyens ou à des communautés de demander justice, en particulier pour les crimes dont l’étendue est transnationale.
 
Après que chaque membre a adopté la Convention d’Aarhus, l’UE, en tant qu’institution, a approuvé le traité, permettant ainsi aux personnes physiques (les citoyens de l’UE) mais aussi aux personnes morales de faire appel à la justice pour des affaires de crimes contre l’environnement. Un effet suspensif (c.à.d. une mesure qui fait cesser le crime ou la source des dégâts environnementaux) ainsi que des ordonnances de référé (c.à.d. des sanctions provisoires) peuvent être appliqués en réparation pour la partie lésée. Cependant, les réseaux plus complexes d’organisations criminelles impliquées dans des activités nuisibles à l’environnement, aujourd’hui appelées écomafias, conservent une grande marge de manœuvre. Ce phénomène reste peu connu et les pouvoirs de l’UE pour le combattre sont encore limités. Mais tandis que les mafias ont rapidement appris à profiter pleinement du marché commun européen, l’UE et la société civile peinent toujours à trouver une approche collective pour lutter contre le crime organisé, surtout en ce qui concerne la gestion des déchets et des déchets toxiques en particulier.
 
L’UE a fait quelques progrès en ce sens mais cela reste insuffisant. En janvier 2003, le Conseil a adopté une décision-cadre relative à la protection de l’environnement par le droit pénal. En 2007, la Cour de justice a affirmé que la Commission avait le droit de réclamer des sanctions pénales en cas de dégâts causés à l’environnement, mais elle a aussi rappelé qu’il n’était en revanche pas du ressort de la Commission de déterminer le type et le niveau de ces sanctions. Harmoniser le droit pénal en Europe serait une première étape mais il faut aller plus loin encore.
 
Puisque l’environnement et ses cycles n’ont pas de frontières, les effets de la pollution par les activités humaines constituent bien un phénomène transnational. Les exemples sont nombreux. Le scandale de la mozzarella qui a éclaté en Europe en 2007 a été provoqué par les écomafias. Les déchets toxiques industriels que les Camorra enterraient en Campanie depuis des dizaines d’années avaient contaminés l’herbe et par conséquent le lait des vaches. Des tonnes de mozzarella consommées en Europe avaient dû être retirées du marché.
 
La gestion des déchets est un problème auquel toutes les autorités locales et nationales doivent faire face. Un large réseau d’écomafias agissant à travers toute l’Europe ont tiré profit du marché unique et de l’accord de Schengen pour faire du traitement des déchets une activité communautariste. Les organisations criminelles locales trouvent des décharges légales et illégales où se débarrasser des déchets après avoir soudoyé ou menacé les fonctionnaires locaux. Ce réseau étendu déplace les déchets de pays en pays, du Nord vers le Sud et de l’Ouest vers l’Est.
 
Alors que les autorités nationales hésitent ou se montrent réticentes à respecter l’obligation de poursuivre les responsables de ces crimes, conformément à la modeste législation de l’UE sur l’environnement, l’écomafia, elle, est déjà devenue un phénomène transnational. Étant donné que les États membres ne parviennent pas à maîtriser seuls le crime environnemental organisé et qu’ils ne sont pas disposés à céder une plus grande part de leur souveraineté nationale aux institutions européennes, les résultats de ce combat sont mitigés. Une première étape serait d’utiliser les outils existants de façon efficace. L’importance et l’efficacité des instruments de l’UE dans le domaine du droit pénal, tels que la Convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l’Union Européenne, le Mandat d’arrêt européen ou la décision-cadre relative aux décisions de confiscation, pourraient  s’étendre de façon bien plus large aux crimes contre l’environnement.
 
De même, les agences de l’UE comme Eurojust, Europol et l’éventuel parquet européen  pourraient accorder une plus grande attention aux méfaits liés à l’environnement dans leur travail. La coopération entre les États membres devrait aussi être encouragée. Pour le moment, la représentation actuelle que l’on peut se faire des crimes contre l’environnement en Europe rappelle la parabole que l’esprit philosophe de Rousseau donnait dans son saisissant Discours sur l’origine de l’inégalité (1754), où les États membres de l’UE seraient les chasseurs de cerf contemporains.
 
« S'agissait-il de prendre un cerf, chacun sentait bien qu'il devait pour cela garder fidèlement son poste; mais si un lièvre venait à passer à la portée de l'un d'eux, il ne faut pas douter qu'il ne le poursuivît sans scrupule, et qu'ayant atteint sa proie il ne se souciât fort peu de faire manquer la leur à ses compagnons. »
 
 
Pour en apprendre plus à ce sujet, vous pouvez vous reporter aux articles et vidéos suivantes :
 
  • Anesi, C., Rubino, G. and Reuter D. (2011) Toxic Europe : Documentaire sur les mécanismes et les flux du trafic illégal de déchets dangereux à travers l’Europe. Bandes-annonces disponibles ici et (en anglais).
  • GreenPeace (2000) A fifteen year toxic scandal: Italian Hazardous Waste in Sinop and Samsun, Turkey.
  • McCarthy, M. et Philips, J. (2008) Italy's toxic waste crisis, the Mafia – and the scandal of Europe's mozzarella, The Independent. Disponible ici (en anglais).
  • Colombo, F. (2011) Mafia dominates garbage industry, Tierramerica. Disponible ici (en anglais).
  • Mafia Today (2011) Mafia earning €20bn from dumping toxic waste. Disponible ici (en anglais).
  • Ciotti, S. (2008) The dangerous and toxic waste management and the organized crime: from exploitation to international health emergency.
  • Interpol (2007) Electronic waste and organised crime: assessing the links. Disponible ici (en anglais)
  • Vernetti, G. et Ghia, R. For Flare Netowrk (2011) Toxic Televisions: organised crime and electronic waste in the UK. Disponible ici (en anglais).
  • Legambiente (2003) The illegal trafficking in illegal waste in Italy and Spain.Site de Legambiente (en italien).
  • Beken, T. (2007) The European Waste Industry and Crime Vulnerabilities. Extrait disponible ici (en anglais).
  • Anesi, C. et Rubino, G. (2010) The bluff of the [un]solved waste emergency.
  • Interview radio diffusée de Waste Europe sur les déchets toxiques par Emiliano Mellino (2010).